L'OMBRE COMMUN


© Fisherman's Paradise - Fred Dawlat 1997

NOMS USUELS: ombre commun, ombre de rivière, ombre, ombre à écailles.
NOM SCIENTIFIQUE: Thymallus thymallus Linné 1758.
SYNONYMES: Thymallus vulgaris, Thymallus vexillifer.
FAMILLE: Salmonidés.
DIMENSIONS MOYENNES: de 20 à 35 cm pour la longueur totale; parfois, 40 cm.

L'ombre est un superbe poisson d'eaux courantes et fraîches, non torrentueuses. Température: de + 6° à + 20 C.

DESCRIPTION.

Corps fusiforme; tête pointue; bouche petite, peu fendue; deux nageoires dorsales: la nageoire antérieure, longue et haute, constituée par 20 à 24 rayons; la nageoire postérieure, adipeuse. L'anale est soutenue par 12 à 15 rayons. Ecailles: de 75 à 85 sur une ligne longitudinale.

COLORATION.

Variable, suivant l'âge. Dos verdâtre, grisâtre ou bleuâtre, flancs argentés, ayant quelques points sombres, surtout dans la partie antérieure, avec des fines lignes longitudinales et parallèles de couleur grisâtre. La première dorsale est jaunâtre, à reflets dorés, tachetée de points foncés dessinant une sorte de damier. Les yeux sont cerclés d'or. Les nageoires pectorales et ventrales sont gris rosé ou jaunâtre. L'anale et la caudale peuvent être violacées.

REPRODUCTION

Printanière, de mars à mai, sans migration; frai en groupes. Les œufs, au nombre de 3 000 à 6 000 par femelle, sont déposés sur les petits cailloux du fond; ils mesurent de 3 mm à 3,5 mm de diamètre. Leur coloration est variable: blanc opalin, jaune ambre ou orangée. La durée de l'incubation est de deux à quatre semaines (deux semaines environ à + 10° C). L'alevin mesure 10 mm à la naissance, atteint 10 cm environ à un an et parfois le double à deux ans.

CROISSANCE

Elle a été étuctice par la scalimétrie: les écailles du poisson présentent des stries concentriques liées à l'accroissement de la taille. En hiver, les stries d'accroissement se tassent et dessinent un anneau caractéristique. Ces études faites sur des centaines de sujets ont permis les estimations suivantes:

Rivière d'Ain: 15 cm à la fin du 1er hiver; 29,4 cm à la fin du 2ème hiver; 35,8 cm à la fin du 3ème hiver; 40,2c m à la fin du 4ème hiver.
Loue: 14 cm à 15 cm à la fin du 1er hiver; 27,3 cm à la fin du 2ème hiver; 31,9 cm à la fin du 3ème hiver; 36 cm à la fin du 4ème hiver.

On trouve très rarement des ombres de plus de 4 ans dans ces deux rivières. La croissance ralentit entre la 2ème et la 3ème année, sans doute en raison des changements physiologiques provoqués par la sexualité.

A titre d'exemple, un ombre de 23 cm marqué le 6/6/75 fut repris le 15/5/76 et mesurait 35 cm. Sa croissance avait été remarquable entre octobre et juin. Ce poisson a été repris sur les lieux mêmes de son marquage. Lors de la première année, la croissance est régulière pendant tout l'été et une bonne partie de l’automne mais plus lentement. Les poissons d'un âge avancé se développent surtout en automne (l’arrêt printanier coïncidant avec la période de reproduction). Certains poissons, la moitié à peu près, ont une reprise de croissance plus rapide que les autres. Là se pose peut-être la question du sexe, de la fraie différée, ou de différences de races. La croissance est seulement ralentie en hiver, et elle continue si l'eau a une température supérieure à 8° C.

En Loue, la croissance est moins rapide qu'en rivière d'Ain . il faut 4 ans à un ombre de la Loue pour atteindre la taille d'un ombre de 3 ans de l'Ain. La croissance des ombres de l'Ain est une des meilleures d'Europe.

Un ombre de 5 ans ne grandit plus dans nos rivières, alors qu'en Scandinavie sa croissance continue au-delà de la sixième année. La longévité maximale d’un ombre de l'Ain semble être de 5 à 6 ans.

FORME

Les ombres de la Loue sont plus élancés que ceux de l'Ain, donc moins lourds à taille égale. Les ombres de l'Ain grandissent plus vite en poids qu'en longueur; ceux de la Loue plus vite en longueur qu'en poids. On peut penser que certaines races locales expliqueraient une sveltesse plus ou moins grande, races locales étroitement liées au biotope.

De toute façon,' il s’agit d’un poisson à croissance très forte, remarquable, à renouvellement rapide si l’on veut bien le protéger.

SEXE

Il n’y a pas de différence remarquable entre les deux sexes,, sur le plan extérieur. Il n’y a guère que l’examen attentif des nageoires dorsales qui puisse donner quelque indication: Le mâle à taille égale ayant une dorsale plus développée que celle de la femelle dans sa partie postérieure. Il faut un oeil avertit, celui d’un praticien.

HABITAT

L'ombre ne se plaît que dans les rivières à fond de gravier ou de sable. On trouve dans les grands courants qui s'étalent sur de vastes lits de galets, près des pertuis où se heurtent les eaux, sur les plages semées de grosses pierres, ou sur le fond, sous les remous des grands courants, etc.

Il se tient en eau plus ou moins profonde, suivant la température et sa taille, les adultes recherchant un plus grand fond que les jeunes.

Il fait partie du secteur salmonicole, mais n’en couvre qu’une partie, en général la partie aval, de moindre pente et souvent là où apparaissent plats et gravières. Dans un secteur mixte à truites et à ombres, les truites choisissent les caches. les bords tourmentés et accidentés et laissent les gravières aux ombres. Interviennent bien-sûr dans ces choix les questions éclairage, nourriture, sensibilité du poisson. On peut penser avec beaucoup de certitude que l'ombre remonterait très haut dans certaines rivières et ruisseaux si la truite ne l'en empêchait pas , étant à la fois carnassière et insectivore.

Il peut se maintenir là où la truite n'existe pratiquement plus exemple. La Basse-Loue canalisée où toutes les caches ont été dévastées. Bien que couvrant encore le secteur salmonicole, elle ne peut satisfaire la truite qui ne reconnaît pas son habitat préféré, alors que l’ombre s'en contente.

NOURRITURE

Il est éclectique consommant trichoptères, éphémères et cliptères. Adulte il apprécie moins les plécoptères et les gammares s'il a le choix. Il préfère les proies de petite taille surtout lorsqu'il est installé sur la partie aval du secteur. Dans le secteur amont il accepte parfois des proies plus substantielles. En eau claire et basse et saison d’été avancée il devient diabolique triant moucherons infimes , caenis minuscules chironomes quasiment imperceptibles; les gros ombres poussent encore plus loin que leurs cadets ce véritable machiavélisme.

Dans les secteurs mixtes il ne concurrence guère la truite et inversement, chaque poisson avant son propre habitat. Il y a naturellement des parcours où les tenues n'étant pas très différentes une compétition certaine peut s'établir, qui tourne tôt ou tard à l'avantage de la truite.

Il se nourrit à fond et en surface. Son gros avantage est sa puissance de nage qui lui permet de se nourrir en plein courant là où les cyprinidés ont du mal à tenir.

On peut dire que sa nourriture est terrestre (larves, lombrics), aquatique et aérienne.

Aérienne pour notre bonheur car il devient moucheronneur. L’ombre âgé d’un an et plus ne dédaigne pas les gammares mais il semble leur préférer quand il a le choix les subimagos d’éphémères genre Baetis et Ephémerella. Et l’occasion faisant le larron il ingurgite volontiers trichoptères et diptères (mouches diverses) et toutes sortes de nymphes. Son goût prononcé pour les larves a été à l’origine de massacres délibérés dans la Loue et l'Ain. La Gaule du Bas-Jura société de pêche dont le siège est à Dole, a dû pour la sauvegarde de l'espèce interdire ces procédés meurtriers et la pêche de l'ombre en Basse-Loue jurassienne est réglementée par un arrété préfectoral (pêche à la mouche seulement avec 2 mouches au maximum .sur le bas de ligne mouches sèches noyées ou nymphes).

Le jeune ombre (ombret en dessous d’un an) se nourrit surtout de larves d’éphémères, chironomes et trichoptères. Il se nourrit moins en surface que ses aînés. Il consomme beaucoup moins de gammares. Nécessité fera loi s'il n’y a rien d’autre.

A remarquer qu'en Basse-Loue canalisée la nourriture exogène est mains importante qu'au temps de la Loue sauvage (disparition des feuillages de couverture). Les chutes de fourmis volantes et de coléoptères fréquentes autrefois sur la Loue naturelle ont pratiquement cessé. Il faut bien dire que le rééquilibrage de la rivière a raréfié ou fait disparaître pas mal d’insectes: mouches de mai, heptagénia, éphemerella, nemoure. Les éphémères s’y maintiennent mieux: leurs larves étant bonnes nageuses s'adaptent mieux au courant.

L'ombre devient de plus de plus rare dans nos rivières, pour le raisons principales suivantes: Il est plus exigeant que la truite pour la pureté des eaux, tout en le préférant moins glaciales: la pollution la plus minime lui est en effet insupportable et néfaste; le petit nombre d’œufs d'une ponte (de 3 000 à 6 000), sans aucune protection ne permet pas une grande diffusion de l'espèce; le hotu est le principal coupable de la disparition de l'ombre de nos cours d'eau Vivant en bandes nombreuses, le hotu ravage les frayères, dévorant les œufs et le jeunes alevins. Il suffit de quelques années d'occupation par le hotu d'une zone ombre pour constater l'élimination de ce beau poisson de sport, très recherché de gourmets.